Communication: the royal pathway to patient-centered medicine La communication, voie royale de la médecine centrée sur le patient La relation médecin-patient

Le lien entre la communication et une médecine centrée sur le patient repose sur deux hypothèses distinctes : la première, –La médecine centrée sur le patient est un but pertinent du système de santé ; la deuxième, –La communication est un outil important pour atteindre ce but. Ces deux hypothèses méritent d’être explorées.

Nous abordons de nouveaux modèles de soins. Les normes et les valeurs longtemps admises changent. Le docteur autoritaire supposé prendre toutes les décisions médicales laisse progressivement la place à un mode de décisions partagées, à la fois prises par le médecin et le patient. Désormais, l’opinion se répand que le patient, et non plus la maladie, doit occuper le centre du système de santé.

George Engels prédisait pour la fin du siècle (Roter 5-15) : « De la même façon que la chimie, la biologie moléculaire et la technologie ont été au centre des préoccupations de la médecine du 20e siècle, les besoins du patient doivent être au centre des préoccupations de la médecine du 21e siècle. Inclure les perspectives des patients dans les définitions des besoins médicaux doit être un objectif de la médecine du 21e siècle ». Roter introduit le dialogue médical comme : « le véhicule fondamental pour faire la place aux batailles des points de vue et définir la relation thérapeutique. »

Les critères d’une médecine centrée sur le patient doivent être définis (Bensing17-25). Ils contrastent avec ce nouveau paradigme qui assaille le système de santé : la médecine fondée sur les preuves. Il existe un danger de voir s’affronter ces paradigmes concurrents, comme le conflit entre l’ancien et le nouveau monde. C’est la communication entre le médecin et le patient qui peut aplanir ce conflit et réunir les intérêts.

Aussi sympathique qu’il soit, on peut poser la question du fond de ce mouvement enthousiaste vers une médecine centrée sur le patient. Ce passage du pouvoir du praticien vers le patient se fait implicitement par celui qui tient le pouvoir et doit le restreindre ! Cela semble se faire, non seulement sous la pression des patients émancipés, mais aussi parce que de nombreux praticiens se font les avocats de ce mouvement. Beaucoup de médecins ressentent sincèrement que le centrage sur le patient est nécessaire à une bonne qualité des soins. Les arguments de cette revue pour une médecine centrée sur le patient peuvent être rassemblés sous trois têtes de chapitre : 1 les patients sont des experts, 2 – Les patients et leurs choix sont divers, 3- Les maladies changent.

1– Les patients sont des experts,

Les patients sont experts dans l’expérience de leurs symptômes. Le médecin est dépendant du patient pour cette expertise. Le médecin peut uniquement apprendre la présence d’une éventuelle maladie, avoir accès aux symptômes et apprécier l’évolution, qu’en écoutant l’histoire des patients. Ceci donne un pouvoir au patient. Si le patient ne coopère pas à l’information, (dans le cadre d’une médecine centrée sur la maladie), le médecin ne peut pas faire son travail correctement. Le patient utilise ce pouvoir dans toute la consultation pour la guider comme il le souhaite. Par exemple en cachant des informations cruciales ou à l’opposé, en exagérant des symptômes et en exigeant un traitement. C’est le cas des patients qui consultent pour des symptômes sans cause organique (Salmon 105-113). Ici, les buts du médecin et ceux du patient divergent souvent. Ceci demande davantage une négociation autour des buts qu’une relation autoritaire.

Dans cette revue, ce sont les thèmes de prise de conscience et de définition des valeurs de chacun qui reviennent le plus fréquemment ; en particulier dans le cas des maladies chroniques et les maladies en phase terminale (Lelie 81-89).

Nous devons conclure que le premier argument en faveur d’une médecine centrée sur le patient réside dans le fait que le médecin ne peut rien comprendre de la maladie ni de son évolution sans les symptômes rapportés par le patient. Les technologies modernes d’aide au diagnostic ne peuvent pas, et ne pourront sans doute jamais, rendre superflu le rapport fait par le patient. La communication centrée sur le patient est le chemin évident.

2– La diversité des patients et la diversité de leurs préférences,

Le deuxième argument rapporté pour le succès d’une médecine centrée sur le patient vient de la compréhension croissante que les patients ont un sens des valeurs et des modes de soins qui diffèrent. Atteint de la même maladie avec les mêmes symptômes les attentes sont différentes. La diversité est plus fréquente que l’uniformité. Pendant longtemps, on a considéré les maladies différentes et les patients, eux, semblables. Implicitement une norme s’est faite du patient (en pratique, un homme blanc, de classe moyenne, ‘le malade »). Nous savons maintenant que ce n’est pas la réalité. Dans cette revue, l’étude de Kim et col. (37-47) montre l’importance du sexe et de la culture. Dans les cultures occidentales la femme s’exprime volontiers au sujet de la santé, dans les pays en voies de développement c’est l’homme qui est actif dans cette communication. Au niveau du planning familial, en occident c’est le couple que l’on préfère traiter plus que l’individu ; cette approche dans les cultures du tiers monde pourrait être au désavantage de la femme. D’autres études démontrent que les différences s’expriment non seulement par les éléments visibles comme le sexe ou l’ethnie mais aussi par des attitudes moins visibles par rapport aux soins. Un exemple convaincant se trouve dans l’étude comparative de la communication médecin-patient menée par Brink Muinen (115-127) dans six différents pays d’Europe. Il démontre que les différents systèmes de santé gênèrent des attentes différentes vis-à-vis de la santé. Ceci apparaît dans la rencontre médicale. Le médecin comme le patient peuvent avoir une préférence vers un modèle de communication davantage centrée sur le médecin ou plus centrée sur le patient. Dans une autre étude empirique Kru Pat et col. (49-59) montrent que l’orientation du médecin et du patient importent. C’est la rencontre de ces deux orientations qui détermine la satisfaction du patient. La satisfaction maximum apparaît lorsque le patient rencontre un médecin aussi, ou davantage, orienté vers le patient qu’il ne l’est lui-même. Au niveau plus théorique, Bensing (17-25) et Roter (5-15) développent des modèles sensiblement différents pour analyser le type de patient et le type de relation médecin -patient.

En résumé des études publiées dans cette revue, nous pouvons conclure pour ce second argument que la diversité du choix des soins est la norme et non l’exception. Nous pouvons aussi assurer que la diversité n’est pas uniquement reflétée dans les données épidémiologiques et les caractéristiques démo-graphiques. La communication est le passage obligé d’une médecine centrée sur le patient et non plus sur la maladie.

3— Les maladies changent

Le dernier argument qui peut expliquer la popularité d’une médecine centrée sur le patient dans le système de santé est lié au changement de la morbidité dans les sociétés occidentales. Ces changements modifient la compréhension des rôles respectifs du médecin et du patient. Dans la plupart des maladies chroniques l’efficacité directe du médecin sur le cours de la maladie est restreinte. Les résultats dépendent en grande partie de l’aptitude du patient à comprendre et à s’adapter. Le médecin prend davantage le rôle de « professeur » ou de « consultant » que celui « d’expert » ou même de « gardien ».

Ceci est illustré par l’étude de Hargie et col. (61-70) qui montre dans les pharmacies, la différence de communication entre la délivrance directe d’un médicament et l’exécution d’une prescription médicale. Ces différences subtiles sont démontrées par Lelie (81-89) : les décisions médicales reposant sur la haute technologie ont un impact fort. Elles requièrent cependant le même partage de l’information et de la décision que la plus psychologique ou sociale des données concernant la santé.

Ce troisième argument se réfère aux responsabilités vis-à-vis de la santé et plus spécifiquement du maintien de la santé. Si des responsabilités vont vers le patient, il doit apparaître clairement que le rôle du médecin dans le système de santé doit être d’améliorer les capacités du patient à assurer cette responsabilité. Beaucoup de médecins réalisent que c’est la seule possibilité de fournir une bonne qualité de soins. Comme l’éducation et la motivation sont des éléments essentiels dans la conception des soins, la communication est le chemin d’une médecine davantage centrée sur le patient que sur le praticien.

4– Conclusions

Nous croyons que ces trois arguments rassemblés donnent des éléments convaincants à notre proposition “La communication est la voie royale d’une médecine centrée sur le patient”. Pour faire de cette idée mieux qu’un slogan, deux autres données sont requises. Premièrement : pour fonder sur des preuves cette proposition, il doit être démontré que la communication peut être étudiée dans le cadre d’une recherche scientifique. Deuxièmement : pour produire une connaissance utile, il faut démontrer que la communication ne repose pas sur les dispositions ou sur le caractère du praticien mais sur des aptitudes et des outils qui peuvent être enseignés et exercés.

Ces deux questions trouvent leur réponse dans cette revue : la communication peut être décrite sous forme de blocs constitutifs (Rotter 5-15). Ceux-ci sont opérationnels. Les « instruments » d’observation et d’évaluation se développent pour mesurer l’effet de la communication d’une médecine centrée sur le patient. Des publications décrivent comment la communication peut être enseignée (et quels éléments peuvent être enseignés). L’analyse de la littérature (Kruijver 129-145) fonde des preuves de l’efficacité de cette approche pour la satisfaction des soignés et des soignants.

En ce qui concerne la communication, pendant longtemps les chercheurs, les praticiens et les formateurs semblent avoir appartenu à des mondes séparés, chacun avec sa culture, ses conférences et ses publications. Un début d’intégration a eu lieu dans cette conférence « Communication, Soins et Santé » à Amsterdam les 10-12 juin 1998. Les chercheurs et les praticiens de la communication se rejoignent.