Le prix Nobel de médecine et physiologie 2014, démontre l’existence d’un ‘’centre cérébral de localisation’’. Cet événement fait apparaître l’organisation psychique sous un nouvel éclairage !
John O’Keefe, May-Brit Moser et Edvard Moser, psycho-neuro-physiologistes, sont récompensés pour avoir identifié dans le cerveau, les cellules qui produisent la représentation de l’espace. Les ‘’Place cells’’ (Cellules de Lieu), les ‘’Grids cells’’ (C. de Grilles), ‘’Border cells’’ (C. frontières) et ‘’Head position cells’’ (C. de direction de la tête) définissent une carte cognitive. Dans ce lieu sont intégrés les perceptions et les mémoires dans un empilement de cartes. Il s’agit des connaissances cumulées dans la vie de l’individu, initiées dès la vie fœtale, ce qui revient à envisager les connaissances de la civilisation sous jacente.
Ces travaux sont une révolution pour la pensée de la pensée : ce qui nous permet de nous situer dans l’espace correspond à une structure physique. Nous découvrons un nouvel organe ! Ce que l’on pensait subjectif, lié aux hasards de la constitution de la personne est en réalité un appareil physiologique dont on découvre la construction et le fonctionnement. C’est là que se gravent les schémas sociaux et les schémas culturels qui organisent ‘’moi’’.
« Wallon reconnaît à sa manière la thèse freudienne du caractère intemporel, quasi éternel de l’inconscient : « rien n’est détruit de ce qui est abandonné, rien n’est sans action de ce qui est dépassé ». Ailleurs, Wallon cite littéralement Freud : « rien ne finit, rien ne passe, rien n’est oublié » » (1927 ; Jalley, 1981, p. 413)
MB et E. Moser dans l’article ‘’Mapping your every move’’ (traduction ci-dessous) nous rappellent que c’est en 1948 que Tolman a montré expérimentalement l’existence de ces cartes cognitives. Ces cartes psychiques sont dans le patrimoine des psychologues cognitivistes depuis longtemps, elles passent maintenant de la projection à l’objectivité.
La notion d’un GPS cérébral ne libère pas de la projection ! Tout au contraire, la révélation d’une structure neurologique support des cartes mnésiques confirme la dépendance à des schémas acquis qui s’appliquent au monde qui entoure le sujet. Le monde s’arrête aux cellules frontières (Border cells) ! Le traumatisme psychique est soit une effraction dans la cartographie, un non-lieu, soit le passage par un lieu déjà douloureux. Le travail de désensibilisation de F. Shapiro (EMDR) intervient directement dans cette carte, le regard est un élément cognitif dominant, les schémas du corps et de l’environnement sont visuels. Il convient d’envisager, voire d’affirmer, que cette carte est tout autant olfactive (et gustative), tactile, thermique, dans les mouvements et immobilités. La somme des perceptions se synthétise dans cette carte apparemment visuelle.
La névrose sous ses multiples formes est l’expression de ces cartes. Psyché est faite de montagnes et de vallées, de sommets et de précipices. Faite de lieux apprivoisés, enregistrés dans les cellules de la grille, d’inconnus, au delà des cellules frontières, en réalité davantage qu’inconnus, inexistants. Il n’y a plus d’inconscient ! Chacun possède sa carte et son territoire psychique, chacun son acquis de la structure sociale, familiale, clanique, des lieux, une l’histoire imprimée. Territoire et limite : au-delà, que projection, rêve ou cauchemar de ce qui pourrait être, de ce qui pourra être, de ce qui a été, de ce que l’autre devrait, pourrait, devrait être ou connaître… les fantasmagories sont parts intégrantes de psyché.
Le gps cérébral dit où nous sommes, il ne dit pas quand nous sommes ! Où se trouve le sens du temps : dans l’estomac qui dit la faim ou le poids des paupières qui dit la fatigue ? Des expériences d’isolement des repères temporels ont dû être menées pour connaître le temps biologique, excluant levers et couchers du soleil. S’il existait des liens solides entre le corps et les structures neurologiques de psyché, les addictions n’existeraient pas ! La carte psychique ne dirait jamais j’en veux plus (de nourritures, d’alcool, de tabacs, de jeux, de joies, de douleurs), plus que n’en peux le corps, le cerveau, le foie, les os… Il n’y aurait pas, non-plus d’erreur sur ce que dit le corps du rythme des pulsations cardiaques, du souffle ou du transit. Les symptômes du corps sont rares, le corps est d’abord psychique (les symptômes du corps sont psychiques, souvent des hurlements psychosomatiques). Cette absence de lien objectif est la place du subjectif, le temps n’est pas une limite, il n’a pas d’existence, il n’est pas une contrainte. Hors la projection, Il n’y a pas de temps psychique, psyché est dans l’instant !
Le GPS cérébral dit où ‘’Je suis’’. Ce ‘’Je suis’’ est ‘’Moi’’ en réalité, un objet parmi les objets, fonctionnel identifié, mémorisé. Il s’agit du mental, c’est à dire conditionné à répondre aux besoins alimentaires de l’individu et de son groupe. ‘’Je suis’’, le ‘’Je’’ sujet n’est pas localisé, il n’est limité par aucune carte, il est organe sensible des perceptions et sans limite, il correspond à l’intelligence.
La neuro-physiologie n’aborde pas ce qui se passe avant de connaître et d’acquérir la mémoire : la présence au monde. Elle ne dit rien de l’interaction permanente de l’univers et des perceptions. Le ‘’GPS cérébral’’ dit tout du conditionnement, rien de la liberté, de ce qu’est la Conscience.
Ce que nous apprenons ici, c’est l’organisation des acquisitions, c’est la précocité et la profondeur de cet apprentissage. Les auteurs soulignent l’importance de ces découvertes parce que ces cellules sont parmi les premières atteintes par des maladies dégénératives (Alzheimer) et certaines pathologies mentales. Connaître ces cellules et leurs fonctions, devrait accélérer les capacités à traiter, voir prévenir ces pathologies. Il est moins aussi important, sinon davantage, de considérer les conséquences de ces découvertes sur notre regard sur l’organisation psychique et par là, de notre capacité à soigner.
Ces avancées dans l’anatomie et la physiologie des structures qui nous font penser le monde expliquent notre projection du monde (synonyme de transfert de notre schéma interne sur le schéma externe). De là proviennent les besoins de classer pour Wallon et Piaget les psychologies et leurs évolutions, les pathologies des DSM. La rigueur de la réalité physiologique, produit l’illusion de s’en échapper par les divagations affectives à propos du temps de ce qu’il devrait être ou de ce qu’il aurait été.
Une grande part de la pathologie est projective. Le soin, au sens propre, s’appuie sur ce qu’est la santé, inhérente, c’est une relation de liberté, de distanciation par rapport au schéma mental de ce GPS. La subjectivité aperçoit la santé sous-jacente. Nous développerons ailleurs les approches soignantes. Ici, des approches telles que ‘’La pleine conscience’’, des exercices que l’on pourrait appeler ‘’Pleine perception’’ ou ‘’Mouvement des yeux’’, ou des exercices qui reviennent à assouplir le mental et le corps comme un vrai Yoga, utilisés comme thérapeutiques ramènent à un présent créatif, équilibré. Il s’agit de proposer aux sujets (qu’il soit thérapeute ou patient) d’être là, dans la présence au monde, dans la perception des symptômes, du corps et des espaces, possibilité de retrouver le centre source. Les exercices qui donnent toute leurs places aux perceptions et à distancier les perceptions des concepts reviennent vers la liberté essentielle, l’équilibre et la tranquillité dont nous avons l’intuition.
Ce GPS dit une part de ce qu’est la nature : inouïe