En 1978, j’étais étudiant en médecine, je faisais un stage dans le cabinet médical de mon père, professeur de médecine, interniste et médecin de famille. Devant nous un patient : « Docteur, il m’a fait un drôle d’effet votre nouveau médicament, je me suis senti bizarre, j’ai eu la diarrhée et j’ai mal dormi. » Mon père de regarder l’ordonnance: « Médiator, je l’ai prescrit quatre fois, quatre fois des effets désagréables … c’est quoi cette cochonnerie ? »

Le 26 novembre 2009, j’ai senti comme un soulagement. Le Médiator est interdit à la vente ! Enfin !

Je n’ai jamais prescrit de médiator !

Le médiator était un médicament promotionné par le labotatoire pour « protèger du diabète et des excès de cholestérol ». Le « benfluorex », principe actif du médiator est en réalité une amphétamine. Les amphétamines ont pour propriété de couper l’appétit et d’accélérer le système nerveux. Le laboratoire « S » a utilisé les amphétamines, déguisées sous diverses formes. Nous avons eu le Pondéral-retard le médicament qui protège du poids excessif, puis Isoméride, le médicament qui réduit l’appétit pour le sucre ! Tout ces produits sont interdits depuis 2000. Ils avaient un effet très grave, l’augmentation de la pression artérielle dans les poumons, pour résultat, une forme d’atrophie des champs respiratoires.

Pour le médiator, la seule indication troublante dans la fiche d’information était : « Ce médicament peut induire des effets positifs lors des contrôles sportifs » (les tests dépistant les amphétamines, pardi). L’inertie politico-commerciale-scientifique est telle que le médiator a survécu 9 ans de plus.

Quand les arguments médicaux deviennent arguments de vente ils se caractérisent par l’épaisseur de l’argument excessif et décapant, au-delà du mensonge.

Sur mon bureau, cette semaine, deux courriers « Information importante »: l’un concerne le diamicron, un antidiabétique qui fait mieux que les autres: il est bon pour la circulation, il protège la rétine. Maintenant il fait encore mieux : un comprimé par jour au lieu de trois. Ce diamicron est un antidiabétique ordinaire, vendu par le laboratoire Ardix (le nom «Servier» apparait en toute petite lettre, au niveau du site web). L’autre courrier est un livret concernant le VALDOXAN, l’antidépresseur qui fait dormir et réveille joyeux. Ce produit est vendu par le laboratoire Euthérapie, une filiale Servier (il a aussi des inconvénients).

En 2009, au congrès « L’encéphale » sur les innovations en psychiatrie, j’ai assisté à des conférences sur ce produit qui allait paraitre dans les semaines à venir. Mise en scène impressionnante conférencier brefs, précis, convaincus et convainquant: VALDOXAN ou agomélatine, l’antidépresseur qu’on attendait. Il serait magnifique parce qu’il agit sur le cycle de la mélatonine, rétablit le sommeil donc l’humeur. Pour moi, le choc de ce congrès était dans la sensation de lavement mental, de la passivité des auditeurs, mes confrères.

Le marketing scientifique écoute les attentes de tout le monde, les mets dans un mixer puis faire dire dans un emballage scientifique ce qu’il faut vendre.

La société matérialiste place sa foi et ses croyances dans des produits !